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LES FÊTES DE LA PENTECÔTE.

Vers quatre heures, le Seamew n’était plus qu’à trois milles de cette île qui contraste par la douceur de ses lignes avec les autres terres de l’archipel, quand, sur un signe du capitaine Pip, il évolua, et se dirigea rapidement vers Tercère, dont les hauts rivages se dessinaient à vingt-cinq milles de distance.

Ce fut à ce moment que Piperboom parut sur le pont, suivi de Thompson congestionné. Ce dernier fit un signe à Robert, qui, laissant aussitôt ses interlocuteurs, se rendit à l’appel de l’Administrateur Général.

« Est-il donc définitivement impossible, monsieur le Professeur, lui dit celui-ci, en montrant le Hollandais considérable, entouré suivant l’usage d’un opaque nuage de fumée, de se faire entendre de ce pachyderme à vapeur ?

Robert fit un geste d’impuissance.

— Voilà qui est vexant ! s’écria Thompson, figurez-vous que ce gentleman refuse absolument de solder les suppléments par lui consommés.

— Quels suppléments ? demanda Robert.

— Quels suppléments ? Mais un âne assassiné, plus la journée de trois autres et de trois âniers supplémentaires, si le compte est bon.

— Et il refuse ?

— Absolument. Je me suis tué à lui expliquer la chose de la voix et du geste. Autant parler à un caillou. Et voyez s’il a l’air ému !

Piperboom, en effet, paisiblement étendu sur un rocking-chair, s’était égaré dans les doux nuages de la rêverie. Les yeux au ciel, tirant sur sa pipe avec la régularité d’un piston, il semblait avoir définitivement rejeté loin de lui les vulgaires soucis de ce monde. Robert compara avec un ironique sourire la mine irritée de Thompson et le placide visage de son voyageur.

— La fortune a de ces retours ! » dit-il en ébauchant un geste vague, et Thompson, bon gré mal gré, dut se contenter de cette réponse.