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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

— Je ne sais pas, dit l’indigène d’un air stupide. Je ne trouve pas ça dur, moi.

— Ah ! vous ne trouvez pas cela dur ?… Et ce n’est pas salé non plus, sans doute ?

— Ah ! pour salé, c’est salé. C’est l’eau de mer, Excellence. Le lupin y sera resté trop longtemps.

— Bon, dit Robert. Mais pourquoi avoir mis ce lupin dans l’eau de mer ?

— Pour enlever son amertume, Excellence.

— Eh bien ! mon ami, je suis fâché de vous dire que l’amertume est restée.

— Alors, fit le paysan sans s’émouvoir, c’est qu’il n’a pas trempé assez longtemps. »

Il n’y avait évidemment rien à tirer de ce rustre. Le mieux était de se résigner en silence. Les convives se rejetèrent donc sur le pain de maïs, dont, contrairement aux prévisions, plus d’un estomac britannique estima la quantité insuffisante.

Robert fit comme les autres. Mais sa gaieté s’était envolée. Il ne reprit pas place à la table joyeuse. Solitairement, il acheva son repas, revenu à la réserve, dont il regrettait déjà d’être sorti un instant.

Vers quatre heures un quart, la caravane se remit en marche. Le temps pressant, les ânes durent coûte que coûte adopter le pas accéléré. La descente du sentier en lacets fut des plus mouvementées. Accrochés aux queues de leurs bêtes, les âniers se laissaient traîner sur la pente raide et glissante. Les femmes, les hommes même, poussèrent plus d’une exclamation d’inquiétude. Seul, Piperboom continua de montrer un front serein. Après avoir englouti des quantités énormes de lupin sans donner aucun signe de malaise, il se laissait tranquillement bercer par ses deux ânes. Confortablement installé, il dédaignait les difficultés de la route, et, paisible, il s’entourait de l’éternel nuage de fumée dont il charmait son éternel repos.

Dans la rue de Horta, Hamilton, accompagné de Robert, s’em-