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LE CIEL SE COUVRE.

Si rapidement qu’on eût opéré, neuf heures sonnaient quand la colonne se remit en marche. Thompson fit recommander au guide de tête de se hâter le plus possible. Il n’y avait pas de temps à perdre, si l’on voulait franchir avant la nuit, aller et retour, les dix-huit kilomètres séparant la Caldeira de Horta. Mais le guide interpellé secoua la tête d’une manière peu encourageante, et les ânes ne firent pas une enjambée de plus. Robert calma de son mieux l’impatient Thompson, en lui expliquant qu’on tenterait vainement de modifier l’allure toujours pareille d’un âne açorien. Ce sont bêtes placides. On apprécierait par contre la sûreté de leur sabot dans les difficiles chemins qu’il faudrait affronter bientôt.

« Pour le moment, la route est bonne en tous cas », grommela Thompson.

La route, assez étroite, ne présentait en effet aucune difficulté particulière. Après avoir traversé, au sortir de Horta, de belles plantations d’orangers, la colonne se trouvait maintenant dans une large vallée, aux flancs couverts de champs et de prairies parsemés de bouquets de hêtres. La pente douce et régulière offrait aux pieds des animaux un appui solide. Mais, à mesure que les touristes s’éloignaient de la mer, l’aspect du pays se modifia. Aux hêtres succédèrent d’abord les pins, pressés les uns contre les autres, puis par degrés toute culture cessa, et la route, devenue sentier, fit un crochet vers la gauche et s’éleva en lacets sur le flanc de la vallée rétrécie.

C’est alors que les ânes montrèrent ce dont ils étaient capables. Bien secondés par leurs conducteurs qui les excitaient de la voix et de l’aiguillon, les bonnes bêtes, pendant une heure et demie, s’élevèrent sans un faux pas sur ce raidillon au sol rocailleux et fuyant.

Au cours de cette ascension, il arriva que Piperboom fut dans une position assez critique. À de brusques tournants, son hamac se trouva plus d’une fois suspendu au dehors du sentier tracé. Il demeura impassible, il faut le reconnaître, et, s’il