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L’AGENCE THOMPSON AND Co.

tions confuses. Tous s’arrêtèrent sur place, et Thompson, revenant sur ses pas, se porta rapidement sur le théâtre de l’incident.

À l’un des derniers rangs, deux corps gisaient sur le pavé inégal. L’un, celui d’un âne, l’autre, à peine moins vaste, celui de van Piperboom — de Rotterdam.

Celui-ci du moins était sans blessure. Thompson le vit se relever paisiblement et contempler d’un air triste sa malheureuse monture. L’âne açorien a beau en effet être un robuste animal, il est des limites à sa force. Ces limites, van Piperboom les avait franchies, et, de la rupture de quelque vaisseau, ou par toute autre cause, son âne était mort, bien mort, et ne se releva pas.

Ce ne fut pas sans un énorme tapage que cette constatation put être faite. Dix minutes s’écoulèrent au milieu des éclats de rire des touristes et des exclamations des guides, avant que le décès de l’âne fût officiellement reconnu. Restait à trouver le remède. Toute autre monture n’allait-elle pas avoir le même sort ?

« Que diable ! s’écria Thompson impatienté, nous n’allons pas rester ici jusqu’au soir ! Si un âne ne suffit pas, qu’on en mette deux ! »

En entendant cette proposition fidèlement traduite par Robert, l’ânier se frappa le front d’un air inspiré, et rapidement il dévala la pente. Quelques instants plus tard, on le vit revenir, accompagné de trois de ses collègues, escortant avec lui quatre animaux frais. Un appareil bizarre, fait de deux fortes perches munies en leur milieu de sangles disposées en forme de fauteuil, réunissait les ânes deux à deux. Piperboom, aux applaudissements de ses compagnons, fut hissé à grands renforts de bras sur l’un de ces sièges improvisés, et la caravane put enfin continuer sa route.

Robert, à la prière de Thompson, demanda toutefois auparavant quel était l’usage des deux ânes jumelés qui suivaient à vide. L’ânier interrogé mesura de l’œil la masse inquiétante de son voyageur.

« Un relais ! » dit-il.