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SOUS L’AVERSE.


Robert Morgand, cependant, à en croire son apparence extérieure, ne paraissait pas homme à se décourager aisément.

Le teint clair, le front net et limpide couronné d’une jeune chevelure châtain coupée militairement, sa longue moustache à la gauloise séparant d’une bouche amicale un nez modelé en courbe énergique, il était charmant de tous points. Mieux encore : il était bon et droit. On sentait cela du premier coup à ses yeux d’un bleu sombre, dont le regard, très doux pourtant, ne connaissait qu’un seul chemin : le plus court.

Le reste ne démentait pas les promesses du visage. Épaules élégantes et larges, poitrine puissante, membres musclés, harmonie des mouvements, extrémités fines et soignées, tout disait l’athlète aristocrate, dont le corps, rompu à la pratique des sports, exhale la souplesse et la force.

On pensait, en le voyant : « Voilà un beau garçon, un rude garçon, un bon garçon. »

Que Robert ne fût pas de ceux qui se laissent désarçonner par le choc absurde des choses, il l’avait prouvé, il le prouverait encore, apte toujours à la défense, digne toujours de la victoire. Toutefois, elles sont brutales, les rencontres avec la destinée, et le meilleur cavalier a le droit de quitter un instant les étriers. Robert, si l’on veut bien continuer cette image empruntée à l’art équestre, avait donc perdu son assiette et s’appliquait à la reprendre, incertain sur ce qu’il devait faire.

Comme il se posait inutilement pour la centième fois cette question, il leva les yeux au ciel dans l’espoir peut-être d’y trouver la réponse. Alors seulement il s’aperçut de la pluie, et découvrit que ses absorbantes pensées l’avaient immobilisé au milieu d’une flaque d’eau, en face d’un long mur noir constellé d’affiches multicolores.

Une de ces affiches, une « double colombier » aux teintes discrètes, semblait, juste devant lui, solliciter particulièrement son regard. Machinalement — car on ne revient pas vite du royaume des rêves — Robert se mit à parcourir cette