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l’île à hélice.

Quant à ceux qui, par exception, deviendraient des coquins sur place, ils seraient saisis en un tour de main, condamnés, et comme tels, déportés à l’ouest ou à l’est du Pacifique, sur quelque coin du nouveau ou de l’ancien continent, sans possibilité de jamais revenir à Standard-Island.

Nous avons dit : les ports de Standard-Island. Est-ce donc qu’il en existe plusieurs ? Oui, deux, situés chacun à l’extrémité du petit diamètre de l’ovale que l’île affecte dans sa forme générale. L’un est nommé Tribord-Harbour, l’autre Bâbord-Harbour, conformément aux dénominations en usage dans la marine française.

En effet, en aucun cas, il ne faut avoir à craindre que les importations régulières risquent d’être interrompues, et elles ne peuvent l’être, grâce à la création de ces deux ports, d’orientation opposée. Si, par suite du mauvais temps, l’un est inabordable, l’autre est ouvert aux bâtiments, dont le service est ainsi garanti par tous les vents. C’est par Bâbord-Harbour et Tribord-Harbour que s’opère le ravitaillement en diverses marchandises, pétrole apporté par des steamers spéciaux, farines et céréales, vins, bières et autres boissons de l’alimentation moderne, thé, café, chocolat, épiceries, conserves, etc. Là, arrivent aussi les bœufs, les moutons, les porcs des meilleurs marchés de l’Amérique, et qui assurent la consommation de la viande fraîche, enfin tout ce qu’il faut au plus difficile des gourmets en fait d’articles comestibles. Là aussi s’importent les étoffes, la lingerie, les modes, telles que peut l’exiger le dandy le plus raffiné ou la femme la plus élégante. Ces objets, on les achète chez les fournisseurs de Milliard-City, — à quel prix, nous n’osons le dire, de crainte d’exciter l’incrédulité du lecteur.

Cela admis, on se demandera comment le service des steamers s’établit régulièrement entre le littoral américain et une île à hélice qui de sa nature est mouvante, — un jour dans tels parages, un autre à quelque vingt milles de là ?

La réponse est très simple. Standard-Island ne va point à l’aventure. Son déplacement se conforme au programme arrêté par l’administra-