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l’île à hélice.

gros calibre, et dont l’entrée est indiquée par ces mots : Batterie de l’Éperon.

« Des canons qui se chargent, mais qui ne se déchargent jamais par la culasse… comme tant d’engins de la vieille Europe ! » fait observer Calistus Munbar.

En cet endroit, la côte est nettement découpée. Il s’en détache une sorte de cap, très aigu, semblable à la proue d’une carène de navire, ou même à l’éperon d’un cuirassé, sur lequel les eaux se divisent en l’arrosant de leur écume blanche. Effet de courant, sans doute, car la houle du large se réduit à de longues ondulations qui tendent à diminuer avec le déclin du soleil.

De ce point repart une autre ligne de tramway, qui descend vers le centre, la première ligne continuant à suivre les courbures du littoral.

Calistus Munbar fait changer de ligne à ses hôtes, en leur annonçant qu’ils vont revenir directement vers la cité.

La promenade a été suffisante. Calistus Munbar tire sa montre, chef-d’œuvre de Sivan, de Genève, — une montre parlante, une montre phonographique, dont il presse le bouton et qui fait distinctement entendre ces mots : quatre heures treize.

« Vous n’oubliez pas l’ascension que nous devons faire à l’observatoire ?… rappelle Frascolin.

— L’oublier, mes chers et déjà vieux amis !… J’oublierais plutôt mon propre nom, qui jouit de quelque célébrité cependant ! Encore quatre milles, et nous serons devant le magnifique édifice, bâti à l’extrémité de la Unième Avenue, celle qui sépare les deux sections de notre ville. »

Le tram est parti. Au delà des champs sur lesquels tombe toujours une pluie « après-midienne », — ainsi la nommait l’Américain, — on retrouve le parc clos de barrières, ses pelouses, ses corbeilles et ses massifs.

Quatre heures et demie sonnent alors. Deux aiguilles indiquent l’heure sur un cadran gigantesque, à peu près semblable à celui du