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le quatuor concertant déconcerté.

des étais de fer, ressemblent à celles d’un steamer en marche, d’un Great-Eastern dont cent mille chevaux feraient mouvoir les puissantes hélices, avec cette différence qu’au lieu d’une fumée noire, il ne s’en échappe que de légers filets dont les scories n’encrassent point l’atmosphère.

Cette usine couvre une surface de dix mille yards carrés, soit près d’un hectare. C’est le premier établissement industriel que le quatuor ait vu depuis qu’il « excursionne », qu’on nous pardonne ce mot, sous la direction de l’Américain.

« Eh ! quel est cet établissement ?… demande Pinchinat.

— C’est une fabrique, avec appareils évaporatoires au pétrole, répond Calistus Munbar, dont le regard aiguisé menace de perforer les verres de son binocle.

— Et que fabrique-t-elle, votre fabrique ?…

— De l’énergie électrique, laquelle est distribuée à travers toute la ville, le parc, la campagne, en produisant force motrice et lumière. En même temps, cette usine alimente nos télégraphes, nos télautographes, nos téléphones, nos téléphotes, nos sonneries, nos fourneaux de cuisine, nos machines ouvrières, nos appareils à arc et à incandescence, nos lunes d’aluminium, nos câbles sous-marins…

— Vos câbles sous-marins ?… observe vivement Frascolin.

— Oui !… ceux qui relient la ville à divers points du littoral américain…

— Et il a été nécessaire de créer une usine de cette importance ?…

— Je le crois bien… avec ce que nous dépensons d’énergie électrique… et aussi d’énergie morale ! réplique Calistus Munbar. Croyez, messieurs, qu’il en a fallu une dose incalculable pour fonder cette incomparable cité, sans rivale au monde ! »

On entend les ronflements sourds de la gigantesque usine, les puissantes éructations de sa vapeur, les à-coups de ses machines, les répercussions à la surface du sol, qui témoignent d’un effort mécanique supérieur à tout ce qu’a donné jusqu’ici l’industrie mo-