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un loquace cicerone.

Un quart d’heure après avoir quitté Excelsior-Hotel, Calistus Munbar dit :

« Nous voici dans la Troisième Avenue, et on en compte une trentaine dans la ville. Celle-ci, la plus commerçante, c’est notre Broadway, notre Regent-street, notre boulevard des Italiens. Dans ces magasins, ces bazars, on trouve le superflu et le nécessaire, tout ce que peuvent exiger les existences les plus soucieuses du bien-être et du confort moderne !

— Je vois les magasins, observe Pinchinat, mais je ne vois pas les acheteurs…

— Peut-être l’heure est-elle trop matinale ?… ajoute Yvernès.

— Cela tient, répondit Calistus Munbar, à ce que la plupart des commandes se font téléphoniquement ou même télautographiquement…

— Ce qui signifie ?… demande Frascolin.

— Ce qui signifie que nous employons communément le télautographe, un appareil perfectionné qui transporte l’écriture comme le téléphone transporte la parole, sans oublier le kinétographe qui enregistre les mouvements, étant pour l’œil ce que le phonographe est pour l’oreille, et le téléphote qui reproduit les images. Ce télautographe donne une garantie plus sérieuse que la simple dépêche dont le premier venu est libre d’abuser. Nous pouvons signer électriquement des mandats ou des traites…

— Même des actes de mariage ?… réplique Pinchinat d’un ton ironique.

— Sans doute, monsieur l’alto. Pourquoi ne se marierait-on pas par fil télégraphique…

— Et divorcer ?…

— Et divorcer !… C’est même ce qui use le plus nos appareils ! »

Là-dessus, bruyant éclat de rire du cicerone, qui fait trembloter toute la bibeloterie de son gilet.

« Vous êtes gai, monsieur Munbar, dit Pinchinat, en partageant l’hilarité de l’Américain.