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le mot de la situation dit par pinchinat.

chances de salut seront sérieuses. Mais, pour Dieu ! que cela ne tarde pas, car il a été encore nécessaire de restreindre le rationnement. Les réserves diminuent dans une proportion qui doit inquiéter en présence de dix mille habitants à nourrir !

Lorsque la dernière observation astronomique est communiquée aux deux ports et à la ville, il se produit une sorte d’apaisement des esprits. On sait avec quelle instantanéité une foule peut passer d’un sentiment à un autre, du désespoir à l’espoir. C’est ce qui est arrivé. Cette population, très différente des masses misérables entassées dans les grandes cités des continents, devait être et était moins sujette aux affolements, plus réfléchie, plus patiente. Il est vrai, sous les menaces de la famine, ne peut-on tout redouter ?…

Pendant la matinée, le vent indique une tendance à fraîchir. Le baromètre baisse lentement. La mer se soulève en longues et puissantes houles, preuve qu’elle a dû subir de grands troubles dans le sud-est. Standard-Island, impassible autrefois, ne supporte plus comme d’habitude ces énormes dénivellations. Quelques maisons ressentent de bas en haut des oscillations menaçantes, et les objets s’y déplacent. Tels les effets d’un tremblement de terre. Ce phénomène, nouveau pour les Milliardais, est de nature à engendrer de très vives inquiétudes.

Le commodore Simcoë et son personnel sont en permanence à l’observatoire, où sont concentrés tous les services. Ces secousses qu’éprouve l’édifice, ne laissent pas de les préoccuper, et ils sont forcés d’en reconnaître l’extrême gravité.

« Il est trop évident, dit le commodore, que Standard-Island a souffert dans ses fonds… Ses compartiments sont disjoints… Sa coque n’offre plus la rigidité qui la rendait si solide…

— Et Dieu veuille, ajoute le roi de Malécarlie, qu’elle n’ait pas à subir quelque violente tempête, car elle n’offrirait plus une résistance suffisante ! »

Oui ! et maintenant la population n’a plus confiance dans ce sol factice… Elle sent que le point d’appui risque de lui manquer…