Page:Verne - L'Île à hélice, Hetzel, 1895.djvu/427

Cette page a été validée par deux contributeurs.
390
l’île à hélice.

— Mal ! observe Sébastien Zorn.

— Faisons d’abord savoir à Jem Tankerdon et à Nat Coverley, répond le commodore, que leurs ordres sont inexécutables, puisqu’ils se contredisent. D’ailleurs, mieux vaut que Standard-Island ne se déplace pas en attendant les navires qui ont rendez-vous dans ces parages ! »

Cette très sage réponse est immédiatement téléphonée à l’hôtel de ville.

Une heure s’écoule sans que l’observatoire soit avisé d’aucune autre communication. Très probablement, les deux gouverneurs ont renoncé à modifier l’itinéraire chacun en un sens opposé…

Soudain se produit un singulier mouvement dans la coque de Standard-Island… Et qu’indique ce mouvement ?… Que Jem Tankerdon et Nat Coverley ont poussé l’entêtement jusqu’aux dernières limites.

Toutes les personnes présentes se regardent, formant autant de points interrogatifs.

« Qu’y a-t-il ?… Qu’y a-t-il ?… »

— Ce qu’il y a ?… répond le commodore Simcoë, en haussant les épaules. Il y a que Jem Tankerdon a envoyé directement ses ordres à M. Watson. le mécanicien de Bâbord-Harbour, alors que Nat Coverley envoyait des ordres contraires à M. Somwah, le mécanicien de Tribord-Harbour. L’un a ordonné de faire machine en avant pour aller au nord-est, l’autre, machine en arrière, pour aller au sud-ouest. Le résultat est que Standard-Island tourne sur place, et cette giration durera aussi longtemps que le caprice de ces deux têtus personnages !

— Allons ! s’écrie Pinchinat, ça devait finir par une valse !… La valse des cabochards !… Athanase Dorémus n’a plus qu’à se démettre !… Les Milliardais n’ont pas besoin de ses leçons !…

Peut-être cette absurde situation, — comique par certain côté, — aurait-elle pu prêter à rire. Par malheur, la double manœuvre est extrêmement dangereuse, ainsi que le fait observer le commodore. Tiraillée en sens inverses sous la traction de ses dix millions de chevaux, Standard-Island risque de se disloquer.