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l’île à hélice.

nos artistes gagneront leurs énormes émoluments les mains dans les poches.

Le surintendant, quoiqu’il n’en veuille rien avouer, ne laisse pas d’être dévoré d’une mortelle inquiétude. Sa situation est fausse, il le sent, car toute son intelligence s’emploie à ne déplaire ni aux uns ni aux autres, — moyen sûr de déplaire à tous.

À la date du 12 mars, Standard-Island s’est élevée sensiblement vers l’Équateur, pas assez en latitude cependant pour rencontrer les navires expédiés de Madeleine-bay. Cela ne peut tarder d’ailleurs ; mais vraisemblablement les élections auront eu lieu auparavant, puisqu’elles sont fixées au 15.

Entre temps, chez les Tribordais et chez les Bâbordais, on se livre à des pointages multiples. Toujours des pronostics d’égalité. Il n’est aucune majorité possible, s’il ne se détache quelques voix d’un côté ou de l’autre. Or, ces voix-là tiennent comme des dents à la mâchoire d’un tigre.

Alors surgit une idée géniale. Il semble qu’elle soit née au même moment dans l’esprit de tous ceux qui ne devaient pas être consultés. Cette idée est simple, elle est digne, elle mettrait un terme aux rivalités. Les candidats eux-mêmes s’inclineraient sans doute devant cette juste solution.

Pourquoi ne pas offrir au roi de Malécarlie le gouvernement de Standard-Island ? Cet ex-souverain est un sage, un large et ferme esprit. Sa tolérance et sa philosophie seraient la meilleure garantie contre les surprises de l’avenir. Il connaît les hommes pour les avoir vus de près. Il sait qu’il faut compter avec leurs faiblesses et leur ingratitude. L’ambition n’est plus son fait, et jamais la pensée ne lui viendra de substituer le pouvoir personnel à ces institutions démocratiques qui constituent le régime de l’île à hélice. Il ne sera que le président du conseil d’administration de la nouvelle Société Tankerdon-Coverley and Co.

Un important groupe de négociants et de fonctionnaires de Milliard-City, à laquelle se joint un certain nombre d’officiers et de