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l’île à hélice.

lippe, le type est plus relevé, de teint moins foncé, la chevelure moins crépue. Les hommes, trapus et forts, doux et pacifiques, ne se sont jamais attaqués aux comptoirs ni aux navires européens. Même observation en ce qui concerne l’île Vaté ou Sandwich, dont plusieurs bourgades sont florissantes, entre autres Port-Vila, capitale de l’archipel, — qui porte aussi le nom de Franceville — où nos colons utilisent les richesses d’un sol admirable, ses plantureux pâturages, ses champs propices à la culture, ses terrains favorables aux plantions de caféiers, de bananiers, de cocotiers et à la fructueuse industrie des « coprahmakers[1] ». En ce groupe, les habitudes des indigènes se sont complètement modifiées depuis l’arrivée des Européens. Leur niveau moral et intellectuel s’est haussé. Grâce aux efforts des missionnaires, les scènes de cannibalisme, si fréquentes autrefois, ne se reproduisent plus. Par malheur, la race kanaque tend à disparaître, et il n’est que trop évident qu’elle finira par s’éteindre au détriment de ce groupe du nord, où elle s’est transformée au contact de la civilisation européenne.

Mais ces regrets seraient très déplacés à propos des îles méridionales de l’archipel. Aussi n’est-ce pas sans raison que le capitaine Sarol a choisi le groupe du sud pour y organiser cette criminelle tentative contre Standard-Island. Sur ces îles, les indigènes, restés de véritables Papous, sont des êtres relégués au bas de l’échelle humaine, à Tanna comme à Erromango. De cette dernière surtout, un ancien sandalier a eu raison de dire au docteur Hayen : « Si cette île pouvait parler, elle raconterait des choses à faire dresser les cheveux sur la tête ! »

En effet, la race de ces Kanaques, d’origine inférieure, ne s’est pas revivifiée avec le sang polynésien comme aux îles septentrionales. À Erromango, sur deux mille cinq cents habitants, les missionnaires anglicans, dont cinq ont été massacrés depuis 1839, n’en ont con-

  1. Industrie qui utilise les noix de coco, lesquelles, après avoir été fendues et desséchées soit au soleil, soit au feu, fournissent cette pulpe désignée sous le nom de « coprah » qui entre dans la composition des savons de Marseille.