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l’île à hélice.

— Nous les avons, monsieur, réplique Cyrus Bikerstaff. Prenez donc des mesures pour leur adjoindre des soldats de votre milice, et sous les ordres de l’un de vos officiers qui connaîtra bien le pays…

— Pardonnez, monsieur, répond sèchement Son Excellence, je n’ai pas l’habitude…

— Pardonnez aussi, répond Cyrus Bikerstaff, mais je vous préviens que si vous n’agissez pas à l’instant même, si notre ami, notre hôte, ne nous est pas rendu, la responsabilité retombera sur vous, et…

— Et ?… demande le gouverneur d’un ton hautain.

— Les batteries de Standard-Island détruiront Suva de fond en comble, votre capitale, toutes les propriétés étrangères, qu’elles soient anglaises ou allemandes ! »

L’ultimatum est formel, et il n’y a qu’à s’y soumettre. Les quelques canons de l’île ne pourraient lutter contre l’artillerie de Standard-Island. Le gouverneur se soumet donc, et, qu’on l’avoue, il aurait tout d’abord mieux valu qu’il le fît de meilleure grâce, au nom de l’humanité.

Une demi-heure après, cent hommes, marins et miliciens, débarquent à Suva, sous les ordres du commodore Simcoë, qui a voulu lui-même conduire cette opération. Le surintendant, Sébastien Zorn, Yvernès, Frascolin, sont à ses côtés. Une escouade de la gendarmerie de Viti-Levou leur prête son concours.

Dès le départ, l’expédition se jette à travers la brousse, en contournant la baie de la Rewa, sous la direction du pilote qui connaît ces difficiles régions de l’intérieur. On coupe au plus court, d’un pas rapide, afin d’atteindre Tampoo dans le moins de temps possible…

Il n’a pas été nécessaire d’aller jusqu’au village. Vers une heure après minuit, ordre est donné à la colonne de faire halte.

Au plus profond d’un fourré presque impénétrable, on a vu l’éclat d’un foyer. Nul doute qu’il n’y ait là un rassemblement des naturels de Tampoo, puisque le village ne se trouve pas à une demi-heure de marche vers l’est.