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une collection de fauves.

Rien de plus sensé, rien de mieux dit, on en conviendra. Le conseil des notables allait se séparer afin de prendre part aux battues avec l’aide des plus habiles chasseurs de Standard-Island, lorsque Hubley Harcourt demande la parole pour présenter une observation.

Elle lui est donnée, et voici ce que l’honorable adjoint croit devoir dire au conseil :

« Messieurs les notables, je ne veux pas retarder les opérations décidées. Le plus pressé, c’est de se mettre en chasse. Cependant permettez-moi de vous communiquer une idée qui m’est venue. Peut-être offre-t-elle une explication très plausible de la présence de ces fauves sur Standard-Island ? »

Hubley Harcourt, d’une ancienne famille française des Antilles, américanisée pendant son séjour à la Louisiane, jouit d’une extrême considération à Milliard-City. C’est un esprit très sérieux, très réservé, ne s’engageant jamais à la légère, très économe de ses paroles, et l’on accorde grand crédit à son opinion. Aussi le gouverneur le prie-t-il de s’expliquer, et il le fait en quelques phrases d’une logique très serrée :

« Messieurs les notables, un navire a été signalé en vue de notre île dans l’après-midi d’hier. Ce navire n’a point fait connaître sa nationalité, tenant sans doute à ce qu’elle restât ignorée. Or, il n’est pas douteux, à mon avis, qu’il transportait cette cargaison de carnassiers…

— Cela est l’évidence même, répond Nat Coverley.

— Eh bien, messieurs les notables, si quelques-uns de vous pensent que l’envahissement de Standard-Island est dû à un accident de mer… moi… je ne le pense pas !

— Mais alors, s’écrie Jem Tankerdon, qui croit entrevoir la lumière à travers les paroles de Hubley Harcourt, ce serait volontairement… à dessein… avec préméditation ?…

— Oh ! fait le conseil.

— J’en ai la conviction, affirme l’adjoint d’une voix ferme, et cette machination n’a pu être que l’œuvre de notre éternel ennemi, de ce