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une collection de fauves.

coule donc dans les conditions les plus heureuses, au milieu des fêtes, des concerts, des réceptions. À présent, les relations sont fréquentes d’une section à l’autre, et il semble que rien ne puisse désormais menacer la sécurité de l’avenir.

Cyrus Bikerstaff n’a point à se repentir d’avoir accordé le passage aux Néo-Hébridiens embarqués sur la demande du capitaine Sarol. Ces indigènes cherchent à se rendre utiles. Ils s’occupent aux travaux des champs, ainsi qu’ils le faisaient dans la campagne tongienne. Sarol et ses Malais ne les quittent guère pendant la journée, et, le soir venu, ils regagnent les deux ports où la municipalité les a répartis. Nulle plainte ne s’élève contre eux. Peut-être était-ce là une occasion de chercher à convertir ces braves gens. Ils n’ont point jusqu’alors adopté les croyances du christianisme, auquel une grande partie de la population néo-hébridienne se montre réfractaire en dépit des efforts des missionnaires anglicans et catholiques. Le clergé de Standard-Island y a bien songé, mais le gouverneur n’a voulu autoriser aucune tentative en ce genre.

Ces Néo-Hébridiens, dont l’âge varie de vingt à quarante ans, sont de taille moyenne. Plus foncés de teint que les Malais, s’ils offrent de moins beaux types que les naturels des Tonga ou des Samoa, ils paraissent doués d’une extrême endurance. Le peu d’argent qu’ils ont gagné au service des Maristes de Tonga-Tabou, ils le gardent précieusement, et ne songent point à le dépenser en boissons alcooliques, qui ne leur seraient vendues d’ailleurs qu’avec une extrême réserve. Au surplus, défrayés de tout, jamais, sans doute, ils n’ont été si heureux dans leur sauvage archipel.

Et, pourtant, grâce au capitaine Sarol, ces indigènes, unis à leurs compatriotes des Nouvelles-Hébrides, vont conniver à l’œuvre de destruction dont l’heure approche. C’est alors que reparaîtra toute leur férocité native. Ne sont-ils pas les descendants des massacreurs qui ont fait une si redoutable réputation aux populations de cette partie du Pacifique ?

En attendant, les Milliardais vivent dans la pensée que rien ne