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l’île à hélice.

Très heureusement pour les Milliardais, depuis trois semaines déjà le soleil remonte vers l’hémisphère septentrional, et Standard-Island saura se tenir à distance de ce foyer incandescent, de manière à conserver une température normale.

Donc, dès le lendemain, les trois amis quittent Maofuga à l’aube naissante, et se dirigent vers la capitale de l’île. Certainement, il fait chaud ; mais cette chaleur est supportable sous le couvert des cocotiers, des leki-leki, des toui-touis qui sont les arbres à chandelles, les cocas, dont les haies rouges et noires se forment en grappes d’éblouissantes gemmes.

Il est à peu près midi lorsque la capitale se montre dans toute sa splendide floraison, – expression qui ne manque pas de justesse à cette époque de l’année. Le palais du roi semble sortir d’un gigantesque bouquet de verdure. Il existe un contraste frappant entre les cases indigènes, toutes fleuries, et les habitations, très britanniques d’aspect, — citons celle qui appartient aux missionnaires protestants. Du reste, l’influence de ces ministres wesleyens a été considérable, et, après en avoir massacré un certain nombre, les Tongiens ont fini par adopter leurs croyances. Observons, cependant, qu’ils n’ont point entièrement renoncé aux pratiques de leur mythologie kanaque. Pour eux le grand-prêtre est supérieur au roi. Dans les enseignements de leur bizarre cosmogonie, les bons et les mauvais génies jouent un rôle important. Le christianisme ne déracinera pas aisément le tabou, qui est toujours en honneur, et, lorsqu’il s’agit de le rompre, cela ne se fait pas sans cérémonies expiatoires, dans lesquelles la vie humaine est quelquefois sacrifiée…

Il faut mentionner, d’après les récits des explorateurs — particulièrement M. Aylie Marin dans ses voyages de 1882, — que Nakualofa n’est encore qu’un centre à demi civilisé.

Frascolin, Pinchinat, Yvernès, n’ont aucunement éprouvé le désir d’aller déposer leurs hommages aux pieds du roi Georges. Cela n’est point à prendre dans le sens métaphorique, puisque la coutume est de baiser les pieds de ce souverain. Et nos Parisiens s’en félici-