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l’île à hélice.

— La reine et moi, répond le roi, nous vous remercions, messieurs, et nous sommes touchés de votre démarche. Sur cette île, où nous espérons achever une existence si troublée, il semble que vous ayez apporté un peu de ce bon air de votre France ! Messieurs, vous n’êtes point inconnus d’un homme qui, tout en s’occupant de sciences, aime passionnément la musique, cet art auquel vous devez un si beau renom dans le monde artiste. Nous connaissons les succès que vous avez obtenus en Europe, en Amérique. Ces applaudissements qui ont accueilli à Standard-Island le Quatuor Concertant, nous y avons pris part, — d’un peu loin, il est vrai. Aussi avons-nous un regret, c’est de ne vous avoir pas encore entendus comme il convient de vous entendre. »

Le roi indique des sièges à ses hôtes ; puis il se place devant la cheminée, dont le marbre supporte un magnifique buste de la reine, jeune encore, par Franquetti.

Pour entrer en matière, Frascolin n’a qu’à répondre à la dernière phrase prononcée par le roi.

« Votre Majesté a raison, dit-il, et le regret qu’elle exprime n’est-il pas justifié en ce qui concerne le genre de musique dont nous sommes les interprètes. La musique de chambre, ces quatuors des maîtres de la musique classique, demandent plus d’intimité que ne comporte une nombreuse assistance. Il leur faut un peu du recueillement d’un sanctuaire…

— Oui, messieurs, dit la reine, cette musique doit être écoutée comme on écouterait quelques pages d’une harmonie céleste, et c’est bien un sanctuaire qui lui convient…

— Que le roi et la reine, dit alors Yvernès, nous permettent donc de transformer ce salon en sanctuaire pour une heure, et de nous faire entendre de Leurs Majestés seules… »

Yvernès n’a pas achevé ces paroles que la physionomie des deux souverains s’est animée.

« Messieurs, répond le roi, vous voulez… vous avez eu cette pensée…