Page:Verne - L'Île à hélice, Hetzel, 1895.djvu/278

Cette page a été validée par deux contributeurs.
251
concert à la cour.

ciennes du vieux continent, eût une origine divine. Le roi était très instruit des choses de science, très appréciateur des choses d’art, passionné pour la musique surtout. Savant et philosophe, il ne s’aveuglait guère sur l’avenir des souverainetés européennes. Aussi était-il toujours prêt à quitter son royaume, dès que son peuple ne voudrait plus de lui. N’ayant pas d’héritier direct, ce n’est point à sa famille qu’il ferait tort, quand le moment lui paraîtrait venu d’abandonner son trône et de se décoiffer de sa couronne.

Ce moment arriva, il y a trois ans. Pas de révolution d’ailleurs, dans le royaume de Malécarlie, ou du moins pas de révolution sanglante. D’un commun accord, le contrat fut rompu entre Sa Majesté et ses sujets. Le roi redevint un homme, ses sujets devinrent des citoyens, et il partit sans plus de façon qu’un voyageur dont le ticket a été pris au chemin de fer, laissant un régime se substituer à un autre.

Vigoureux encore à soixante ans, le roi jouissait d’une constitution, — meilleure peut-être que celle dont son ancien royaume essayait de se doter. Mais la santé de la reine, assez précaire, réclamait un milieu qui fût à l’abri des brusques changements de température. Or, cette presque uniformité de conditions climatériques, il était difficile de la rencontrer autre part qu’à Standard-Island, du moment qu’on ne pouvait pas s’imposer la fatigue de courir après les belles saisons sous des latitudes successives. Il semblait donc que l’appareil maritime de Standard-Island Company présentait ces divers avantages, puisque les nababs les plus haut côtés des États-Unis en avaient fait leur ville d’adoption.

C’est pourquoi, dès que l’île à hélice eut été créée, le roi et la reine de Malécarlie résolurent d’élire domicile à Milliard-City. L’autorisation leur en fut accordée, moyennant qu’ils y vivraient en simples citoyens, sans aucune distinction ni privilège. On peut être certain que Leurs Majestés ne songeaient point à vivre autrement. Un petit hôtel leur est loué dans la Trente-neuvième Avenue de la section tribordaise, entouré d’un jardin qui s’ouvre sur le grand parc. C’est là