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l’île à hélice.

peu au delà, sur la colline, une maison d’école, dont le pavillon tricolore couronne le faîte.

Ils se dirigent de ce côté, et quelques minutes après ils sont reçus dans l’établissement français. Les Maristes font aux « falanis », — ainsi les Samoans appellent-ils les étrangers — un patriotique accueil. Là résident trois Pères, affectés au service de la Mission, qui en compte encore deux autres à Savaï, et un certain nombre de religieuses installées sur les îles.

Quel plaisir de causer avec le supérieur, d’un âge avancé déjà, qui habite les Samoa depuis nombre d’années ! Il est si heureux de recevoir des compatriotes — et qui plus est — des artistes de son pays ! La conversation est coupée de rafraîchissantes boissons dont la Mission possède la recette.

« Et, d’abord, dit le vieillard, ne pensez pas, mes chers fils, que les îles de notre archipel soient sauvages. Ce n’est pas ici que vous trouverez de ces indigènes qui pratiquent le cannibalisme…

— Nous n’en avons guère rencontré jusqu’alors, fait observer Frascolin…

— À notre grand regret ! ajoute Pinchinat.

— Comment… à votre regret ?…

— Excusez, mon Père, cet aveu d’un curieux Parisien ! C’est par amour de la couleur locale !

— Oh ! fait Sébastien Zorn, nous ne sommes pas au bout de notre campagne, et peut-être en verrons-nous plus que nous ne le voudrons, de ces anthropophages réclamés par notre camarade…

— Cela est possible, répond le supérieur. Aux approches des groupes de l’ouest, aux Nouvelles-Hébrides, aux Salomons, les navigateurs ne doivent s’aventurer qu’avec une extrême prudence. Mais aux Taïti, aux Marquises, aux îles de la Société comme aux Samoa, la civilisation a fait des progrès remarquables. Je sais bien que les massacres des compagnons de Lapérouse ont valu aux Samoans la réputation de naturels féroces, voués aux pratiques du cannibalisme. Mais combien changés depuis, grâce à l’influence de la religion du