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d’îles en îles.

— Non, mes amis, non ! s’écrie Calistus Munbar. N’allons pas jusqu’au massacre !… Il n’en faut pas tant !… Rien qu’un accident acceptable, dans lequel Walter Tankerdon serait assez heureux pour sauver la vie de miss Dy Coverley…

— Et là-dessus, un peu de musique de Boïeldieu ou d’Auber ! dit Pinchinat, en faisant de sa main fermée le geste de tourner la manivelle d’un orgue.

— Ainsi, monsieur Munbar, répond Frascolin, vous tenez toujours à ce mariage ?…

— Si j’y tiens, mon cher Frascolin ! J’en rêve nuit et jour !… J’en perds ma bonne humeur ! (Il n’y paraissait guère)… J’en maigris… (Cela ne se voyait pas davantage). J’en mourrai, s’il ne se fait…

— Il se fera, monsieur le surintendant, réplique Yvernès, en donnant à sa voix une sonorité prophétique, car Dieu ne voudrait pas la mort de Votre Excellence…

— Il y perdrait ! » répond Calistus Munbar.

Et tous se dirigent vers un cabaret indigène, où ils boivent à la santé des futurs époux quelques verres d’eau de coco en mangeant de savoureuses bananes.

Un vrai régal pour les yeux de nos Parisiens, cette population samoane, répandue le long des rues de Pago-Pago, à travers les massifs qui entourent le port. Les hommes sont d’une taille au-dessus de la moyenne, le teint d’un brun jaunâtre, la tête arrondie, la poitrine puissante, les membres solidement musclés, la physionomie douce et joviale. Peut-être montrent-ils trop de tatouages sur les bras, le torse, même sur leurs cuisses que recouvre imparfaitement une sorte de jupe d’herbes ou de feuillage. Quant à leur chevelure, elle est noire, dit-on, lisse ou ondulée, suivant le goût du dandysme indigène. Mais, sous la couche de chaux blanche dont ils l’enduisent, elle forme perruque.

« Des sauvages Louis XV ! fait observer Pinchinat. Il ne leur manque que l’habit, l’épée, la culotte, les bas, les souliers à talons