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l’île à hélice.

Cook, sont possédés par la Grande-Bretagne ou placés sous son protectorat.

L’officier se tient prêt alors à faire hisser le pavillon de Standard-Island, dont l’étamine, écussonnée d’un soleil d’or, se déploiera largement à la brise. On attend que le salut soit fait par le vaisseau amiral de la division.

Une dizaine de minutes s’écoulent.

« Si ce sont des Anglais, observe Frascolin, ils ne mettent guère d’empressement à être polis !

— Que veux-tu ? répond Pinchinat. John Bull a généralement son chapeau vissé sur la tête, et le dévissage exige une assez longue manipulation. »

L’officier hausse les épaules.

« Ce sont bien des Anglais, dit-il. Je les connais, ils ne salueront pas. »

En effet, aucun pavillon n’est hissé à la brigantine du navire de tête. La division passe, sans plus se soucier de l’île à hélice que si elle n’eût pas existé. Et d’ailleurs, de quel droit existe-t-elle ? De quel droit vient-elle encombrer ces parages du Pacifique ? Pourquoi l’Angleterre lui accorderait-elle attention, puisqu’elle n’a cessé de protester contre la fabrication de cette énorme machine qui, au risque d’occasionner des abordages, se déplace sur ces mers et coupe les routes maritimes ?…

La division s’est éloignée comme un monsieur mal élevé qui se refuse à reconnaître les gens sur les trottoirs de Regent-Street ou du Strand, et le pavillon de Standard-Island reste au pied de la hampe.

De quelle manière, dans la ville, dans les ports, on traite cette hautaine Angleterre, cette perfide Albion, cette Carthage des temps modernes, il est aisé de l’imaginer. Résolution est prise de ne jamais répondre à un salut britannique, s’il s’en fait, — ce qui est hors de toute supposition.

« Quelle différence avec notre escadre lors de son arrivée à Taïti ! s’écrie Yvernès.