Page:Verne - L'Île à hélice, Hetzel, 1895.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.
159
îles marquises.

plantations péruviennes, de l’abus des liqueurs fortes, et enfin, pourquoi ne pas l’avouer ? de tous les maux qu’apporté la conquête, même lorsque les conquérants appartiennent aux races civilisées.

Au cours de cette semaine de relâche, les Milliardais font de nombreuses visites à Nouka-Hiva. Les principaux Européens les leur rendent, grâce à l’autorisation du gouverneur, qui leur a donné libre accès à Standard-Island.

De leur côté, Sébastien Zorn et ses camarades entreprennent de longues excursions, dont l’agrément les paie amplement de leurs fatigues.

La baie de Taio-Haé décrit un cercle, coupé par son étroit goulet, dans lequel Standard-Island n’eût pas trouvé place, d’autant moins que cette baie est sectionnée par deux plages de sable. Ces plages sont séparées par une sorte de morne aux rudes escarpements, où se dressent encore les restes d’un fort construit par Porter en 1812. C’était à l’époque où ce marin faisait la conquête de l’île, alors que le camp américain occupait la plage de l’est, — prise de possession qui ne fut pas ratifiée par le gouvernement fédéral.

En fait de ville, sur la plage opposée, nos Parisiens ne trouvent qu’un modeste village, les habitations marquisanes étant, pour la plupart, dispersées sous les arbres. Mais quelles admirables vallées y aboutissent, — entre autres celle de Taio-Haé, dont les Nouka-Hiviens ont surtout fait choix pour y établir leurs demeures ! C’est un plaisir de s’engager à travers ces massifs de cocotiers, de bananiers, de casuarinas, de goyaviers, d’arbres à pain, d’hibiscus et de tant d’autres essences, emplies d’une sève débordante. Les touristes sont hospitalièrement accueillis dans ces cases. Là où ils auraient peut-être été dévorés un siècle plus tôt, ils purent apprécier ces galettes faites de bananes et de la pâte du mei, l’arbre à pain, cette fécule jaunâtre du taro, douce lorsqu’elle est fraîche, aigrelette lorsqu’elle est rassise, les racines comestibles du tacca. Quant au haua, espèce de grande raie qui se mange crue, et aux filets de requin, d’autant