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l’île à hélice

portante ville, où ils doivent donner le surlendemain un concert très annoncé et très attendu, que se dirigeaient les quatre voyageurs. Parti la veille de San-Francisco, le train n’était guère qu’à une cinquantaine de milles de San-Diégo, lorsqu’un premier contretemps s’est produit.

Oui, contretemps ! comme le dit le plus jovial de la troupe, et l’on voudra bien tolérer cette expression de la part d’un ancien lauréat de solfège.

Et s’il y a eu une halte forcée à la station de Paschal, c’est que la voie avait été emportée par une crue soudaine sur une longueur de trois à quatre milles. Impossible d’aller reprendre le rail-road à deux milles au delà, le transbordement n’ayant pas encore été organisé, car l’accident ne datait que de quelques heures.

Il a fallu choisir : ou attendre que la voie fût redevenue praticable, ou prendre, à la prochaine bourgade, une voiture quelconque pour San-Diégo.

C’est à cette dernière solution que s’est arrêté le quatuor. Dans un village voisin, on a découvert une sorte de vieux landau sonnant la ferraille, mangé des mites, pas du tout confortable. On a fait prix avec le louager, on a amorcé le conducteur par la promesse d’un bon pourboire, on est parti avec les instruments sans les bagages. Il était environ deux heures de l’après-midi, et, jusqu’à sept heures du soir, le voyage s’est accompli sans trop de difficultés ni trop de fatigues. Mais voici qu’un deuxième contretemps vient de se produire : versement du coach, et si malencontreux qu’il est impossible de se servir dudit coach pour continuer la route.

Et le quatuor se trouve à une bonne vingtaine de milles de San-Diégo !

Aussi, pourquoi quatre musiciens, Français de nationalité, et, qui plus est, Parisiens de naissance, se sont-ils aventurés à travers ces régions invraisemblables de la Basse-Californie ?

Pourquoi ?… Nous allons le dire sommairement, et peindre de quelques traits les quatre virtuoses que le hasard, ce fantaisiste