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et du nouveau continent. L’existence y est identique. Même fonctionnement de la vie publique et privée. Peu occupés, en somme, nos instrumentistes emploient leurs premiers loisirs à visiter tout ce que renferme de curieux le Joyau du Pacifique. Les trams les transportent vers tous les points de l’île. Les deux fabriques d’énergie électrique excitent chez eux une réelle admiration par l’ordonnance si simple de leur outillage, la puissance de leurs engins actionnant un double chapelet d’hélices, l’admirable discipline de leur personnel, l’une dirigée par l’ingénieur Watson, l’autre par l’ingénieur Somwah. À des intervalles réguliers, Bâbord-Harbour et Tribord-Harbour reçoivent dans leurs bassins les steamers affectés au service de Standard-Island, suivant que sa position présente plus de facilité pour l’atterrissage.

Si l’obstiné Sébastien Zorn se refuse à admirer ces merveilles, si Frascolin est plus modéré dans ses sentiments, en quel état de ravissement vit sans cesse l’enthousiaste Yvernès ! À son opinion, le vingtième siècle ne s’écoulera pas sans que les mers soient sillonnées de villes flottantes. Ce doit être le dernier mot du progrès et du confort dans l’avenir. Quel spectacle superbe que celui de cette île mouvante, allant visiter ses sœurs de l’Océanie ! Quant à Pinchinat, en ce milieu opulent, il se sent particulièrement grisé à n’entendre parler que de millions, comme on parle ailleurs de vingt-cinq louis. Les banknotes sont de circulation courante. On a d’habitude deux ou trois mille dollars dans sa poche. Et, plus d’une fois, Son Altesse de dire à Frascolin :

« Mon vieux, tu n’aurais pas la monnaie de cinquante mille francs sur toi ?… »

Entre temps, le Quatuor Concertant a fait quelques connaissances, étant assuré de recevoir partout un excellent accueil. D’ailleurs, sur la recommandation de l’étourdissant Munbar, qui ne se fût empressé de les bien traiter ?

En premier lieu, ils sont allés rendre visite à leur compatriote, Athanase Dorémus, professeur de danse, de grâces et de maintien.