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cap à l’ouest.

zaine de feuilles cercleuses, soiristes et boulevardières, consacrées aux mondanités courantes. Elles n’ont d’autre but que de distraire un instant, en s’adressant à l’esprit… et même à l’estomac. Oui ! quelques-unes sont imprimées sur pâte comestible à l’encre de chocolat. Lorsqu’on les a lues, on les mange au premier déjeuner. Les unes sont astringentes, les autres légèrement purgatives, et le corps s’en accommode fort bien. Le quatuor trouve cette invention aussi agréable que pratique.

« Voilà des lectures d’une digestion facile ! observe judicieusement Yvernès.

— Et d’une littérature nourrissante ! répond Pinchinat. Pâtisserie et littérature mêlées, cela s’accorde parfaitement avec la musique hygiénique ! »

Maintenant, il est naturel de se demander de quelles ressources dispose l’île à hélice pour entretenir sa population dans de telles conditions de bien-être, dont n’approche aucune autre cité des deux mondes. Il faut que ses revenus s’élèvent à une somme invraisemblable, étant donnés les crédits affectés aux divers services et les traitements attribués aux plus modestes employés.

Et, lorsqu’ils interrogent le surintendant à ce sujet :

« Ici, répond-il, on ne traite pas d’affaires. Nous n’avons ni Board of Trade, ni Bourse, ni industrie. En fait de commerce, il n’y a que ce qu’il faut pour les besoins de l’île, et nous n’offrirons jamais aux étrangers l’équivalent du World’s Fair de Chicago en 1893 et de l’Exposition de Paris de 1900. Non ! La puissante religion des business n’existe pas, et nous ne poussons point le cri de go ahead, si ce n’est pour que le Joyau du Pacifique aille de l’avant. Ce n’est donc pas aux affaires que nous demandons les ressources nécessaires à l’entretien de Standard-Island, c’est à la douane. Oui ! les droits de douane nous permettent de suffire à toutes les exigences du budget…

— Et ce budget ?… interroge Frascolin.

— Il se chiffre par vingt millions de dollars, mes excellents bons !