tout, dans une île si extraordinaire, comment les choses n’auraient-elles pas apparu sous un extraordinaire aspect ? Quant à Sébastien Zorn, il est résolu à ne pas se rendre.
« Non, monsieur, s’écrie-t-il, on ne s’empare pas ainsi des gens sans qu’ils y consentent !… Nous déposerons une plainte contre vous !…
— Une plainte… quand vous devriez me combler de remerciements, ingrats que vous êtes ! réplique le surintendant.
— Et nous obtiendrons une indemnité, monsieur…
— Une indemnité… lorsque j’ai à vous offrir cent fois plus que vous ne pourriez espérer…
— De quoi s’agit-il ? » demande le pratique Frascolin.
Calistus Munbar prend son portefeuille, et en tire une feuille de papier aux armes de Standard-Island. Puis, après l’avoir présentée aux artistes :
« Vos quatre signatures au bas de cet acte, et l’affaire sera réglée, dit-il.
— Signer sans avoir lu ?… répond le second violon. Cela ne se fait nulle part !
— Vous n’auriez pourtant pas lieu de vous en repentir ! reprend Calistus Munbar, en s’abandonnant à un accès d’hilarité, qui fait bedonner toute sa personne. Mais procédons d’une façon régulière. C’est un engagement que la Compagnie vous propose, un engagement d’une année à partir de ce jour, qui a pour objet l’exécution de la musique de chambre, telle que le comportaient vos programmes en Amérique. Dans douze mois, Standard-Island sera de retour à la baie Madeleine, où vous arriverez à temps…
— Pour notre concert de San-Diégo, n’est-ce pas ? s’écrie Sébastien Zorn, San-Diégo, où l’on nous accueillera par des sifflets…
— Non, messieurs, par des hurrahs et des hips ! Des artistes tels que vous, les dilettanti sont toujours trop honorés et trop heureux qu’ils veuillent bien se faire entendre… même avec une année de retard ! »