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invités… inviti.

guins, ce qui remplace avantageusement le bromure de strontium ! » répond Calistus Munbar.

Sébastien Zorn intervient alors et jette sa note brutale au milieu de cette causerie de haute volée.

« Il ne s’agit pas de tout cela, dit-il. Pourquoi nous avez-vous amenés ici ?…

— Parce que les instruments à cordes sont ceux qui exercent l’action la plus puissante…

— Vraiment, monsieur ! Et c’est pour calmer vos névroses et vos névrosés que vous avez interrompu notre voyage, que vous nous empêchez d’arriver à San-Diégo, où nous devions donner un concert demain…

— C’est pour cela, mes excellents amis !

— Et vous n’avez vu en nous que des espèces de carabins musicaux, d’apothicaires lyriques ?… s’écrie Pinchinat.

— Non, messieurs, répondit Calistus Munbar, en se relevant. Je n’ai vu en vous que des artistes de grand talent et de grande renommée. Les hurrahs qui ont accueilli le Quatuor Concertant dans ses tournées en Amérique, sont arrivés jusqu’à notre île. Or, la Standard-Island Company a pensé que le moment était venu de substituer aux phonographes et aux théâtrophones des virtuoses palpables, tangibles, en chair et en os, et de donner aux Milliardais cette inexprimable jouissance d’une exécution directe des chefs-d’œuvre de l’art. Elle a voulu commencer par la musique de chambre, avant d’organiser des orchestres d’opéra. Elle a songé à vous, les représentants attitrés de cette musique. Elle m’a donné mission de vous avoir à tout prix, de vous enlever, s’il le fallait. Vous êtes donc les premiers artistes qui auront eu accès à Standard-Island, et je vous laisse à imaginer quel accueil vous y attend ! »

Yvernès et Pinchinat se sentent très ébranlés par ces enthousiastes périodes du surintendant. Que ce puisse être une mystification, cela ne leur vient même pas à l’esprit. Frascolin, lui, l’homme réfléchi, se demande s’il y a lieu de prendre au sérieux cette aventure. Après