Lorsqu’il s’arrête pour reprendre haleine, Pinchinat, profitant de l’accalmie :
« Tout cela est fort bien, dit-il, mais votre Milliard-City, je le vois, n’a jamais entendu que de la musique en boîte, des conserves mélodiques, qu’on lui expédie comme les conserves de sardines ou de salt-beef…
— Pardonnez-moi, monsieur l’alto.
— Mon Altesse vous pardonne, tout en insistant sur ce point : c’est que vos phonographes ne renferment que le passé, et jamais un artiste ne peut être entendu à Milliard-City au moment même où il exécute son morceau…
— Vous me pardonnerez une fois de plus.
— Notre ami Pinchinat vous pardonnera tant que vous le voudrez, monsieur Munbar, dit Frascolin. Il a des pardons plein ses poches. Mais son observation est juste. Encore, si vous pouviez vous mettre en communication avec les théâtres de l’Amérique ou de l’Europe…
— Et croyez-vous que cela soit impossible, mon cher Frascolin ? s’écrie le surintendant en arrêtant le balancement de son escarpolette.
— Vous dites ?…
— Je dis que ce n’était qu’une question de prix, et notre cité est assez riche pour satisfaire toutes ses fantaisies, toutes ses aspirations en fait d’art lyrique ! Aussi l’a-t-elle fait…
— Et comment ?…
— Au moyen des théâtrophones qui sont installés dans la salle de concert de ce casino. Est-ce que la Compagnie ne possède pas nombre de câbles sous-marins, immergés sous les eaux du Pacifique, dont une extrémité est rattachée à la baie Madeleine et dont l’autre est tenue en suspension par de puissantes bouées ? Eh bien, quand nos concitoyens veulent entendre un des chanteurs de l’Ancien ou du Nouveau-Monde, on repêche un des câbles, on envoie un ordre téléphonique aux agents de Madeleine-bay. Ces agents établissent la