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KÉRABAN-LE-TÊTU.

elle projetait son faisceau lumineux dans un rayon de plusieurs milles.

Toutefois, n’était-il pas à craindre que cette lanterne ne vînt brusquement à s’éteindre ? Par moments, un souffle de rafale arrivait jusqu’à la flamme, qui se couchait au point de perdre tout son éclat. En même temps, des oiseaux de mer, affolés par la tempête, venaient se précipiter sur l’appareil, semblables à d’énormes insectes attirés par une lampe, et ils se brisaient la tête contre le grillage en fer qui le protégeait. C’étaient autant de cris assourdissants ajoutés à tous les fracas de la tourmente. Le déchaînement de l’air était si violent alors, que la partie supérieure du pylône subissait des oscillations d’une amplitude effrayante. Que l’on n’en soit pas surpris : parfois, les tours en maçonnerie des phares européens en éprouvent de telles que les poids de leurs horloges s’embrouillent et ne fonctionnent plus. À plus forte raison, ces grands bâtis de bois, dont la charpente ne peut avoir la rigidité d’une construction en pierre. Là, à cette place, le seigneur Kéraban, que les lames du Bosphore suffisaient à rendre malade, eût certainement ressenti tous les effets d’un véritable mal de mer.