Page:Verne - Kéraban-le-Têtu, Hetzel, 1883, tome 2.djvu/70

Cette page a été validée par deux contributeurs.

58
KÉRABAN-LE-TÊTU.

l’autre, se préparaient à achever consciencieusement ce qui restait dans les plats et au fond des brocs, — Bruno, toujours très dominateur avec Nizib, Nizib, toujours très déférent vis-à-vis de Bruno.

« Nizib, dit Bruno, à mon avis, lorsque les maîtres ont soupé, c’est le droit des serviteurs de manger les restes, quand ils veulent bien leur en laisser.

— Vous avez toujours faim, monsieur Bruno ? demanda Nizib d’un air approbateur.

— Toujours faim, Nizib, surtout quand il y a douze heures que je n’ai rien pris !

— Il n’y paraît pas !

— Il n’y paraît pas !… Mais, ne voyez-vous pas, Nizib, que j’ai encore maigri de dix livres depuis huit jours ! Avec mes vêtements devenus trop larges, on habillerait un homme deux fois gros comme moi ?

— C’est vraiment singulier, ce qui vous arrive, monsieur Bruno ! Moi ! j’engraisse plutôt à ce régime-là !

— Ah ! tu engraisses !… murmura Bruno, qui regarda son camarade de travers.

— Voyons un peu ce qu’il y a dans ce plat, dit Nizib.