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KÉRABAN-LE-TÊTU.

— Eh bien, adieu, mon oncle ! dit Ahmet. Votre entêtement nous coûtera une fortune !… Vous aurez ruiné celle qui doit être votre nièce !… Soit !… Ce n’est pas la fortune que je regrette !… Mais vous aurez apporté un retard à notre bonheur !… Nous ne nous reverrons plus ! »

Et le jeune homme, entraînant Amasia, suivi de Sélim, de Nedjeb, de Nizib, quitta le salon, puis la villa, et, quelques instants après, tous s’embarquaient dans un caïque pour revenir à Constantinople.

Le seigneur Kéraban, resté seul, allait et venait en proie à la plus extrême agitation.

« Non ! par Allah ! Non ! par Mahomet ! se disait-il. Ce serait indigne de moi !… Avoir fait le tour de la mer Noire pour ne pas payer cette taxe, et, au retour, tirer de ma poche ces dix paras !… Non !… Plutôt ne jamais remettre le pied à Constantinople !… Je vendrai ma maison de Galata !… Je cesserai les affaires !… Je donnerai toute ma fortune à Ahmet pour remplacer celle qu’Amasia aura perdue !… Il sera riche… et moi… je serai pauvre… mais non ! je ne céderai pas !… Je ne céderai pas ! »

Et, tout en parlant ainsi, le combat qui se livrait en lui se déchaînait avec plus de violence.