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KÉRABAN-LE-TÊTU.

J’avouerai même que, sans mon entêtement à te faire quitter Odessa, l’enlèvement d’Amasia ne se serait probablement point accompli !… Oui ! tout cela, c’est ma faute !… Mais enfin, nous voici au terme de ce voyage !… Ton mariage n’aura pas même été retardé d’un jour !… Demain, nous serons à Scutari… et demain…

— Et si, demain, nous n’étions pas à Scutari, mon oncle ? Si nous en étions beaucoup plus éloignés que ne le dit ce guide ? S’il nous avait égarés à dessein, après avoir conseillé d’abandonner les routes du littoral ? Enfin, si cet homme était un traître ?

— Un traître ?… s’écria Kéraban.

— Oui, reprit Ahmet, et si ce traître servait les intérêts de ceux qui ont fait enlever Amasia ?

— Par Allah ! mon neveu, d’où peut te venir cette idée, et sur quoi repose-t-elle ? Sur de simples pressentiments ?

— Non ! sur des faits, mon oncle ! Écoutez-moi ! Depuis quelques jours, cet homme nous a souvent quittés pendant les haltes, sous prétexte d’aller reconnaître la route !… À plusieurs reprises, il s’est éloigné, non pas inquiet mais impatient, en homme qui ne veut pas être vu !… La nuit dernière, il a