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KÉRABAN-LE-TÊTU.

hors du plateau de la balance, dont l’autre plateau vint brusquement frapper le sol, il tomba sur un banc, à demi-pâmé.

« Cent cinquante et une livres. » répétait-il, comme s’il eût perdu là près d’un neuvième de sa vie.

En effet, à son départ, Bruno, qui pesait quatre-vingt-quatre ponds, ou cent soixante-huit livres, n’en pesait plus que soixante-quinze et demi, soit cent cinquante et une livres. Il avait donc maigri de dix-sept livres ! Et cela en vingt-six jours d’un voyage qui avait été relativement facile, sans véritables privations ni grandes fatigues. Et maintenant que le mal avait commencé, où s’arrêterait-il ? Que deviendrait ce ventre que Bruno s’était fabriqué lui-même, qu’il avait mis près de vingt ans à arrondir, grâce à l’observation d’une hygiène bien comprise ? De combien tomberait-il au-dessous de cette honorable moyenne, dans laquelle il s’était maintenu jusqu’alors, — surtout à présent que, faute d’une chaise de poste, à travers des contrées sans ressources, avec menaces de fatigues et de dangers, cet absurde voyage allait s’accomplir dans des conditions nouvelles !

Voilà ce que se demanda l’anxieux serviteur de