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KÉRABAN-LE-TÊTU.

dans la crainte qu’elles ne fissent quelque signal de détresse qui aurait pu être aperçu.

Le temps devint peu à peu menaçant, puis mauvais, puis détestable. Deux jours avant le naufrage de la Guïdare, une violente tempête se déclara. Amasia et Nedjeb comprirent bien, à la colère du capitaine, qu’il était forcé de modifier sa route, et que la tourmente le poussait là où il ne voulait point aller. Et alors, ce fut avec une sorte de bonheur que les deux jeunes filles se sentirent emportées par cette tempête, puisqu’elle les éloignait du but que la Guïdare voulait atteindre.

« Oui, cher Ahmet, dit Amasia pour achever son récit, en pensant au sort qui m’était destiné, en me voyant séparée de vous, entraînée là où vous ne m’auriez jamais revue, ma résolution était bien prise !… Nedjeb le savait !… Elle n’aurait pu m’empêcher de l’accomplir !… Et avant que la tartane n’eût atteint ce rivage maudit… je me serais précipitée dans les flots !… Mais la tempête est venue !… Ce qui devait nous perdre nous a sauvées !… Mon Ahmet, vous m’êtes apparu au milieu des lames furieuses !… Non !… jamais je n’oublierai…

— Chère Amasia…, répondit Ahmet, Allah a voulu que vous fussiez sauvée… et sauvée par