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KÉRABAN-LE-TÊTU.

tante blancheur, un front haut, bien encadré, avec un pli vertical, un vrai pli d’entêtement entre les deux sourcils d’un noir de jais, tout cet ensemble lui faisait une physionomie particulière, la physionomie d’un homme original, personnel, très en dehors, qu’on ne pouvait oublier, lorsqu’elle avait, ne fût-ce qu’une fois, attiré l’attention.

Quant au costume du seigneur Kéraban, c’était celui des Vieux Turcs, restés fidèles à l’ancien habillement du temps des Janissaires : le large turban évasé, la vaste culotte flottante, tombant sur les paboudj en maroquin, le gilet sans manches, garni de gros boutons coupés à facettes et passementé de soie, la ceinture de châle contenant l’expansion d’un ventre bien porté d’ailleurs, et enfin le cafetan jonquille, dont les plis se drapaient majestueusement. Donc, rien d’européanisant dans cette antique façon de s’habiller, qui contrastait avec le vêtement des Orientaux de la nouvelle époque. C’était une manière de repousser les invasions de l’industrialisme, une protestation en faveur de la couleur locale qui tend à disparaître, un défi porté aux arrêtés du sultan Mahmoud, dont la toute-puissance a décrété le moderne costume des Osmanlis.