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KÉRABAN-LE-TÊTU.

— Pas trop, Bruno, pas trop !

— Si ! je le sens bien, et, à continuer un pareil régime, j’arriverai bientôt à l’état de squelette !

— T’es-tu pesé, Bruno ?

— J’ai voulu me peser à Kertsch, répondit Bruno, mais je n’ai trouvé qu’un pèse-lettre…

— Et cela n’a pu suffire ?… répondit en riant Van Mitten.

— Non, mon maître, répondit gravement Bruno, mais avant peu, cela suffira pour peser votre serviteur ! — Voyons ! laissons-nous le seigneur Kéraban continuer sa route ? »

Certes, cette manière de voyager ne pouvait plaire à Van Mitten, brave homme d’un tempérament rassis, jamais pressé en rien. Mais la pensée de désobliger son ami Kéraban, en l’abandonnant, lui eût été si désagréable qu’il refusa de se rendre.

« Non, Bruno, non, dit-il, je suis son invité…

— Un invité, s’écria Bruno, un invité qu’on oblige à faire sept cents lieues au lieu d’une !

— N’importe !

— Permettez-moi de vous dire que vous avez tort, mon maître ! répliqua Bruno. Je vous le répète pour la dixième fois ! Nous ne sommes pas au bout de nos misères, et j’ai comme un pressen-