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KÉRABAN-LE-TÊTU.

est par instant très grande. À travers les vitres antérieures du coupé, les yeux à demi fermés, ils regardaient les grandes ombres de l’attelage, ombres capricieuses, démesurées, mouvantes, qui se développaient en avant sur la route vaguement éclairée.

Il devait être environ onze heures du soir, quand un bruit singulier les tira de leur rêverie. C’était une sorte de sifflement, comparable à celui que produit l’eau de Seltz en s’échappant de la bouteille, mais décuplé. On eût dit plutôt que quelque chaudière laissait échapper sa vapeur comprimée par son tuyau de vidange.

L’attelage s’était arrêté. Le postillon éprouvait de la peine à maîtriser ses chevaux. Ahmet, voulant savoir à quoi s’en tenir, baissa rapidement les vitres et se pencha au dehors.

« Qu’y a-t-il donc ? Pourquoi ne marchons-nous plus ? demanda-t-il. D’où vient ce bruit ?

— Ce sont les volcans de boue, répondit le postillon.

— Des volcans de boue ? s’écria Kéraban. Qui a jamais entendu parler de volcans de boue ? En vérité, c’est une plaisante route que tu nous as fait prendre là, neveu Ahmet !