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KÉRABAN-LE-TÊTU.

Iénikalé est une bourgade où se fait un lucratif commerce de sel, de caviar, de suif, de laine. Les pêcheries d’esturgeons et de turbots occupent une partie de sa population, qui est presque entièrement grecque. Les marins s’adonnent au petit cabotage du détroit et du littoral voisin sur de légères embarcations, gréées de deux voiles latines. Iénikalé se trouve dans une importante situation stratégique, — ce qui explique pourquoi les Russes l’ont fortifiée, après l’avoir enlevée aux Turcs en 1771. C’est une des portes de la mer Noire, qui, sur ce point, a deux clefs de sûreté : la clef d’Iénikalé, d’un côté, la clef de Taman, de l’autre.

Après une demi-heure de halte, le seigneur Kéraban donna à ses compagnons le signal du départ, et ils se dirigèrent vers le quai où les attendait le bac.

Tout d’abord, les regards de Kéraban se portèrent à droite, à gauche, et une exclamation lui échappa.

« Qu’avez-vous, mon oncle ? demanda Ahmet, qui ne se sentait point à l’aise.

— C’est une rivière, cela ? dit Kéraban, en montrant le détroit.

— Une rivière, en effet ! répondit Ahmet, qui crut devoir laisser son oncle dans l’erreur.