Page:Verne - Kéraban-le-Têtu, Hetzel, 1883, tome 1.djvu/232

Cette page a été validée par deux contributeurs.

222
KÉRABAN-LE-TÊTU.

retard de vingt-quatre heures. Ahmet, que cela contrariait autant que son oncle, allait pourtant essayer de lui faire entendre raison en présence de cette impossibilité absolue, lorsque le seigneur Kéraban de s’écrier :

« Cent roubles à qui me procurera un attelage ! »

Un certain frémissement courut parmi les indigènes d’Arabat. L’un d’eux s’avança résolument.

« Seigneur Turc, dit-il, j’ai deux dromadaires à vendre !

— Je les achète ! » répondit Kéraban.

Atteler des dromadaires à une chaise de poste, cela ne s’était jamais vu. Cela se vit cette fois.

En moins d’une heure le marché fut conclu, et pour un bon prix. Peu importait ! Le seigneur Kéraban en eût payé le double. Les deux bêtes furent donc harnachées tant bien que mal, attelées aux brancards, et, sous la promesse d’un pourboire exceptionnel, leur ex-propriétaire, transformé en postillon, se campa en avant de la bosse de l’un de ces ruminants ; puis, la chaise, au grand ébahissement de la population d’Arabat, mais à l’extrême satisfaction des voyageurs, descendit la route de Kertsch au trot allongé de son étrange attelage.