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KÉRABAN-LE-TÊTU.

du porc, vous n’avez plus qu’une chose à faire !

— Et laquelle ?

— C’est de le digérer tout tranquillement, maintenant qu’il est mangé ! »

Cela ne laissait pas d’inquiéter Nizib, très observateur des lois du Prophète, et, comme il se sentait la conscience profondément troublée, Bruno dut aller aux informations près du maître de l’auberge.

Nizib fut alors rassuré et put laisser sa digestion s’accomplir sans aucun remords. Ce n’était même pas de la viande, c’était du poisson, du shebac, une sorte de Saint-Pierre, que l’on fend en deux comme une morue, que l’on sèche au soleil, que l’on fume, en le suspendant au-dessus de l’âtre, que l’on mange cru ou à peu près, et dont il se fait une exportation considérable pour tout le littoral du port de Rostow, situé au fond de la pointe nord-est de la mer d’Azof.

Maîtres et serviteurs durent donc se contenter de ce maigre souper de l’auberge d’Arabat. Les lits leur parurent plus durs que les coussins de la voiture ; mais, enfin, ils n’étaient point soumis aux cahoteuses secousses d’une route, ils ne remuaient pas, et le sommeil qu’ils trouvèrent dans