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GRANDS VOYAGES ET GRANDS VOYAGEURS

par ses nombreux ennemis, M. Lefèvre de la Barre, qui avait succédé à M. de Frontenac, comme gouverneur du Canada, écrivit au ministre de la marine qu’on ne devait pas regarder les découvertes de La Sale comme bien importantes. « Ce voyageur, disait-il, était actuellement, avec une vingtaine de vagabonds français et sauvages, dans le fond de la baie, où il tranchait du souverain, pillait et rançonnait ceux de sa nation, exposait les peuples aux incursions des Iroquois, et couvrait toutes ces violences du prétexte de la permission, qu’il avait de Sa Majesté, de faire seul le commerce dans les pays qu’il pourrait découvrir. »

Cavelier de La Sale ne pouvait rester en butte à ces imputations calomnieuses. D’un côté, l’honneur lui commandait de rentrer en France pour se disculper ; de l’autre, il entendait ne pas laisser à autrui le profit de sa découverte. Il partit donc, et reçut de Seignelay un accueil bienveillant. Le ministre n’avait pas été ému des lettres de M. de La Barre ; il avait compris qu’on n’accomplit pas de grandes choses sans froisser bien des amours-propres, sans se faire de nombreux ennemis. La Sale en profita pour lui exposer son projet de reconnaître par mer l’embouchure du Mississipi, afin d’en frayer le chemin aux vaisseaux français et d’y fonder un établissement. Le ministre entra dans ces vues et lui remit une commission qui plaçait sous ses ordres Français et sauvages, depuis le fort Saint-Louis des Illinois jusqu’à la