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LES EXPÉDITIONS POLAIRES

leur cou en une petite peau de bête, en guise de sac, avec un cornet de pierre ou de bois ; puis à toute heure ils font poudre de ladite herbe et la mettent à l’un des bouts dudit cornet ; puis ils mettent un charbon de feu dessus et soufflent par l’autre bout, tant qu’ils s’emplissent le corps de fumée, tellement qu’elle leur sort par la bouche et les narines, comme par un tuyau de cheminée. Nous avons expérimenté ladite fumée, après laquelle avoir mis dans notre bouche, il semble y avoir de la poudre de poivre, tant elle est chaude. » Au mois de décembre, les habitants de Stadaconé furent atteints d’une maladie contagieuse, qui n’était autre que le scorbut. « Ladite maladie prit tellement en nos navires qu’à la mi-février, de cent dix hommes que nous étions, il n’y en avait pas dix sains. » Ni prières, ni oraisons, ni vœux à Notre-Dame de Roquamadour n’amenèrent de soulagement. Vingt-cinq Français périrent jusqu’au 18 avril, et il n’y en avait pas quatre qui ne fussent atteints de la maladie. Mais, à cette époque, un chef sauvage apprit à Jacques Cartier que la décoction des feuilles et le jus d’un certain arbre qu’on croit être le sapin du Canada ou l’épine-vinette étaient très-salutaires. Dès que deux ou trois en eurent éprouvé les effets bienfaisants, « il y eut une telle presse qu’on se voulait tuer sur ladite médecine à qui en aurait la premier ; de sorte qu’un arbre aussi gros et aussi grand que je vis jamais a été employé en moins de huit jours, lequel a fait telle opération, que si tous les médecins de Louvain et de Mont-