Page:Verne - Histoire des grands voyages et des grands voyageurs, Hetzel, 1870, tome 2.djvu/137

Cette page a été validée par deux contributeurs.
125
PREMIER VOYAGE AUTOUR DU MONDE

dans le sud jusqu’au pôle antarctique, disaient-ils ; il ne semblait pas y avoir de détroit ; déjà plusieurs étaient morts des privations endurées ; enfin il serait bien temps de reprendre le chemin de l’Espagne, si le commandant ne voulait pas voir tous ses hommes périr en ce lieu.

Magellan, parfaitement résolu à mourir ou à mener à bonne fin l’entreprise dont il avait le commandement, répondit que l’empereur lui avait assigné le cours de son voyage, qu’il ne pouvait ni ne voulait, sous aucun prétexte, s’en départir, et qu’en conséquence il irait droit devant lui jusqu’à la fin de cette terre ou jusqu’à ce qu’il rencontrât quelque détroit. Quant aux vivres, s’ils s’en trouvaient trop à court, ses gens pouvaient ajouter à leur ration le produit de leur pêche ou de leur chasse. Magellan crut qu’une déclaration si ferme allait imposer silence aux mécontents et qu’il n’entendrait plus parler de privations dont il souffrait aussi bien que les hommes de ses équipages. Il se trompait grossièrement. Certains capitaines, et Juan de Carthagena en particulier, avaient intérêt à ce qu’une révolte éclatât.

Ces rebelles commencèrent donc à rappeler aux Espagnols leur vieille haine contre les Portugais. Le capitaine général, étant de ces derniers, ne s’était jamais franchement rallié, selon eux, au drapeau espagnol. Afin de pouvoir rentrer dans sa patrie et se faire pardonner ses torts, il voulait commettre quelque forfait éclatant, et rien ne serait plus avantageux au Portugal