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GRANDS VOYAGES ET GRANDS VOYAGEURS

sidérait partout les nègres et les Indiens comme des sortes d’animaux. Il les chargea de présents, et lorsqu’il les en vit embarrassés, il offrit à chacun d’eux un de ces anneaux de fer qui servent à enchaîner. Ils auraient bien voulu l’emporter, car ils estimaient le fer par dessus tout, mais leurs mains étaient pleines. On leur proposa alors de le leur attacher à la jambe, ce qu’ils acceptèrent sans méfiance. Les matelots fermèrent alors les anneaux, de sorte que les sauvages se trouvèrent enchaînés. Rien ne peut donner une idée de leur fureur, lorsqu’ils s’aperçurent de ce stratagème, plus digne de sauvages que d’hommes civilisés. On essaya encore, mais vainement, d’en capturer quelques autres, et dans cette chasse, l’un des Espagnols fut blessé d’une flèche empoisonnée, qui causa presque subitement sa mort. Chasseurs intrépides, ces peuples errent constamment à la poursuite des guanaquis et d’autre gibier, car ils sont doués d’une telle voracité que « ce qui suffirait à la nourriture de vingt matelots peut à peine en rassasier sept ou huit. »

Magellan, pressentant que la station allait se prolonger, voyant aussi que le pays ne fournissait que de piètres ressources, ordonna d’économiser les vivres et de mettre les hommes à la ration, afin que l’on pût atteindre le printemps sans trop de privations et gagner une contrée plus giboyeuse.

Mais les Espagnols, mécontents de la stérilité du lieu, de la longueur et de la rigueur de l’hiver, commencèrent à murmurer. Cette terre paraissait s’enfoncer