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GRANDS VOYAGES ET GRANDS VOYAGEURS

paroles de Lescarbot, dans son Histoire de la Nouvelle France, Valdivia aurait pu les prononcer, car elles expriment, on ne peut mieux, ses sentiments. Sa valeur, sa prudence, son humanité, cette dernière surtout, qui brille étrangement à côté de la cruauté de Pizarre, lui assurent un rang à part et l’un des plus élevés parmi les « conquistadores » du XVIe siècle.

À l’époque où Valdivia partait pour le Chili, Gonzalo Pizarre, à la tête de trois cent quarante Espagnols, dont la moitié étaient montés, et de quatre mille Indiens, traversait les Andes au prix de fatigues telles que la plupart de ces derniers périrent de froid ; puis, il s’enfonça à l’est dans l’intérieur du continent, à la recherche d’un pays où abondaient, disait-on, la cannelle et les épices. Accueillis, dans ces vastes savanes, coupées de marais et de forêts vierges, par des pluies torrentielles qui ne durèrent pas moins de deux mois, ne rencontrant qu’une population rare, peu industrieuse et hostile, les Espagnols eurent souvent à souffrir de la faim dans un pays où n’existaient alors ni les bœufs, ni les chevaux, où les plus grands quadrupèdes étaient les tapirs et les lamas, et encore ne rencontrait-on que rarement ces derniers sur ce versant des Andes. En dépit de ces difficultés qui auraient découragé des explorateurs moins énergiques que les descubridores du XVIe siècle, ils persistèrent dans leur tentative et descendirent le Rio Napo ou Coca, affluent de gauche du Marañon, jusqu’à son confluent. Là, ils construisirent, à grand’peine, un brigantin, qui fut monté par cinquante