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LES CONQUISTADORES DE L’AMÉRIQUE CENTRALE

Jupiter veut perdre, a dit un poëte latin, il les affole. Almagro, qui, dans tant d’autres circonstances, avait secoué tout scrupule, ne voulut pas se donner le tort d’envahir le gouvernement de Pizarre à la façon d’un rebelle, et il reprit tranquillement le chemin de Cusco.

A se placer au point de vue exclusif de ses intérêts, Almagro commettait là une lourde faute dont il ne devait pas être longtemps à se repentir. Mais, si nous considérons, ce qu’on ne devrait jamais perdre de vue, c’est-à-dire l’intérêt de la patrie, ces actes d’agression qu’il avait déjà commis et la guerre civile qu’il soulevait en face d’un ennemi tout prêt à en profiter, constituaient un crime capital. Ses adversaires ne devaient pas tarder à l’en faire souvenir.

S’il fallait à Almagro une prompte décision pour se rendre maître de la situation, Pizarre avait tout à espérer du temps et de l’occasion. En attendant les renforts qu’on lui promettait du Darien, il entama avec son adversaire des négociations qui durèrent plusieurs mois, et pendant lesquelles un de ses frères ainsi qu’Alvarado trouvèrent le moyen de s’évader avec plus de soixante-dix hommes. Bien qu’il eût été tant de fois dupé, Almagro consentit encore à recevoir le licencié Espinosa, chargé de lui représenter que, si l’empereur savait ce qui se passait entre les deux compétiteurs et apprenait l’état où leurs démêlés réduisaient les choses, sans doute il les rappellerait l’un et l’autre et les remplacerait. Enfin, après la mort d’Espinosa, il fut décidé par le frère François de Bovadilla, à qui Pizarre et