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atteint leur but. Ces courageux officiers, après une miraculeuse traversée de quatre jours opérée dans un frêle canot, étaient arrivés à l’île Espagnole. Aussitôt ils firent connaître au gouverneur la situation désespérée de Christophe Colomb et de ses compagnons. Ovando, haineux et injuste, retint d’abord les deux officiers, et, sous prétexte de se rendre compte du véritable état de choses, il dépêcha vers la Jamaïque, après huit mois de retard, un homme à lui, un certain Diego Escobar, qui était l’ennemi particulier de l’Amiral. Escobar, à son arrivée à la Jamaïque, ne voulut pas communiquer avec Christophe Colomb ; il ne débarqua même pas ; il se contenta de mettre à terre, à la disposition des équipages en détresse, « un porc et un baril de vin ; » puis, il repartit sans avoir admis personne à son bord. La conscience se refuse à croire à de telles infamies, et malheureusement elles ne sont que trop réelles !

L’Amiral fut indigné, de cette cruelle raillerie ; mais il ne s’emporta pas, il ne récrimina point. L’arrivée d’Escobar devait rassurer les naufragés, car elle prouvait que leur situation était connue. La délivrance n’était donc plus qu’une affaire de temps, et le moral des Espagnols se releva peu à peu.

L’Amiral voulut tenter alors de ramener à lui Porras et les révoltés, qui, depuis leur séparation, ne cessaient de ravager l’île et d’exercer contre les malheureux indigènes d’odieuses cruautés. Il leur fit la proposition de rentrer en grâce auprès de lui ; mais ces insensés