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lettre. Colomb fit taire sa juste colère et se soumit. Mais contre l’Amiral disgracié se leva tout le camp des faux amis. Tous ceux qui devaient leur fortune à Colomb se tournèrent contre lui ; ils le chargèrent, ils l’accusèrent d’avoir voulu se rendre indépendant. Ineptes accusations ! Comment cette pensée fût-elle venue à un étranger, à un Génois, seul, au milieu d’une colonie espagnole !

Bovadilla trouva l’occasion bonne pour sévir. Don Diègue était déjà emprisonné ; le gouverneur fit bientôt mettre aux fers don Barthélémy et Christophe Colomb lui-même. L’Amiral, accusé de haute trahison, fut embarqué avec ses deux frères, et un vaisseau les conduisit en Espagne sous la conduite d’Alphonse de Villejo. Cet officier, homme de cœur, honteux du traitement que subissait Colomb, voulut lui ôter les liens qui l’attachaient. Mais Colomb refusa. Il voulait, lui, le conquérant du nouveau monde, arriver chargé de chaînes dans ce royaume d’Espagne qu’il avait enrichi !

L’Amiral eut raison d’en agir ainsi, car à le voir en cet état d’humiliation, lié comme un scélérat, traité comme un criminel, le sentiment public se révolta. La reconnaissance pour l’homme de génie se fit jour à travers les mauvaises passions si injustement surexcitées. Ce fut un soulèvement de colère contre Bovadilla. Le roi et la reine, entraînés par l’opinion, blâmèrent hautement la conduite du commandeur, et ils adressèrent à Christophe Colomb une lettre affectueuse, en l’invitant à se rendre à la cour.

Ce fut encore un beau jour pour Colomb. Il parut