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résiste difficilement aux courants, qui portent à l’ouest avec une extrême rapidité. L’Amiral se croyait en pleine mer, et il courut d’extrêmes périls dans ce golfe, parce que les fleuves du continent, gonflés par une crue accidentelle, précipitaient sur ses navires des masses d’eau considérables. Voici en quels termes Christophe Colomb raconte cet incident dans la lettre qu’il écrivit au roi et à la reine :

« À une heure avancée de la nuit, étant sur le pont, j’entendis une sorte de rugissement terrible : je cherchai à pénétrer l’obscurité, et tout à coup je vis la mer, sous la forme d’une colline aussi haute que le navire, s’avancer lentement du sud vers mes navires. Au-dessus de cette élévation, un courant arrivait avec un fracas épouvantable. Je ne doutais pas que nous ne fussions au moment d’être engloutis, et aujourd’hui encore j’éprouve à ce souvenir un saisissement douloureux. Par bonheur le courant et le flot passèrent, se dirigèrent vers l’embouchure du canal, y luttèrent longtemps, puis s’affaissèrent. »

Cependant, malgré les difficultés de cette navigation, l’Amiral, parcourant cette mer dont l’eau devenait de plus en plus douce à mesure qu’il s’élevait vers le nord, reconnut divers caps, l’un à l’est sur l’île de la Trinité, le cap de Pena-Blanca, l’autre à l’ouest sur le promontoire de Paria, qui est le cap de Lapa ; il nota plusieurs ports, entre autres le port des Singes, situé à l’embouchure de l’Orénoque. Colomb prit terre vers l’ouest de la pointe Cumana, et reçut un bon accueil de la part